Publié le 17 novembre 2025 Mis à jour le 18 novembre 2025

En identifiant un nouveau mécanisme qui contr?le le dynamisme des éruptions volcaniques, une équipe animée par Olivier Roche, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), en collaboration avec l’Université Clermont Auvergne (Laboratoire Magmas et Volcans (LMV) de l’Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand (OPGC)) et le CNRS, présente des résultats qui apportent un nouvel éclairage sur le fonctionnement des volcans.

 
Ces travaux, publiés dans la revue Science, ouvrent des perspectives pour mieux comprendre les phénomènes éruptifs, en prédire les manifestations et anticiper leurs conséquences. Un enjeu crucial pour l’IRD et ses partenaires en matière de gestion des aléas naturels.


Une approche inédite testée en laboratoire
 

Depuis la fin des années 1950, la formation des bulles de gaz dans les magmas – ou nucléation – est étudiée principalement sous l’angle de la décompression qui entra?ne la sursaturation des espèces volatiles dissoutes dans le liquide magmatique et l’apparition des bulles, processus fondamental et moteur des éruptions. L’étude propose une approche différente prenant en compte le cisaillement visqueux qui est source d’énergie mécanique lors des mouvements du magma. Gr?ce à des expériences de laboratoires inédites, les scientifiques ont en effet pu observer la formation de bulles de gaz sous l’effet du cisaillement dans un liquide sursaturé. Ces observations, combinées à un modèle théorique et à des simulations moléculaires, offrent une nouvelle perspective sur les mécanismes éruptifs et complètent le panel d’outils des scientifiques.
 


Extrait du communiqué de presse rédigé par l'IRD
 
Lire le communiqué de presse complet
 


Resume
La nucléation des bulles de gaz dans les magmas est le processus principal qui détermine la dynamique et le style des éruptions volcaniques. Une meilleure compréhension du mécanisme de nucléation est donc essentielle pour établir des modèles d’ascension du mélange magmatique et estimer les aléas volcaniques. Depuis la fin des années 1950, la nucléation des bulles dans les magmas a été traitée principalement sous l'angle de la baisse de la pression ambiante qui provoque une sursaturation des phases volatiles dissoutes dans le liquide et en conséquence leur exsolution sous forme de nucleus gazeux.

 
Figure
Figure - A) Le cisaillement, indiqué par les champs de vitesse, est omniprésent dans un système volcanique et contribue à déclencher la nucléation des bulles dans le conduit. B) Les expériences montrent que la nucléation (ellipses rouges) est déclenchée lorsque la contrainte imposée par le cisaillement (flèche blanche) atteint une valeur critique qui décro?t avec la sursaturation en volatile dissous dans le liquide. C) Les simulations moléculaires montrent que le cisaillement (axe perpendiculaire au plan de vue) permet de faire cro?tre un nucléus gazeux cerné d’un mélange de phases volatil et liquide. - ? OPGC - ICCF



 

La surpression dans un nucleus est connue comme une source d'énergie mécanique qui contribue à faire cro?tre l’amas gazeux alors que la tension superficielle s’y oppose, et au-delà d’une taille critique, le nucléus devient une bulle qui cro?t spontanément. Or, le cisaillement visqueux, qui est omniprésent dans les systèmes volcaniques (Fig. 1A), est une autre source d’énergie mécanique apte à déclencher la nucléation. Nous avons testé cette hypothèse au moyen d'expériences analogiques combinées à un modèle théorique et à des simulations moléculaires.

Les expériences réalisées dans un rhéomètre, qui permet de cisailler de l’oxyde de polyéthylène liquide sursaturé en CO2, montrent que la nucléation de bulles de gaz est déclenchée à une contrainte cisaillante critique qui décro?t avec la teneur en CO2 selon une loi logarithmique déduite de notre modèle (Fig. 1B). Le modèle indique également que la taille critique d’un nucleus est de l’ordre de 1 nanomètre et que la tension superficielle associée est deux ordres de grandeur inférieure à la tension macroscopique.
Ces résultats sont supportés par les simulations moléculaires qui montrent que le cisaillement déclenche la croissance d’un nucléus dont la périphérie de densité intermédiaire est constituée d’un mélange des phases volatile et liquide (Fig. 1C). Une analyse dimensionnelle de nos résultats appliquée aux systèmes naturels ainsi qu’une estimation de la contrainte effective dans un écoulement magmatique montrent que la nucléation induite par le cisaillement peut se produire dans les conduits volcaniques.

La conséquence principale de notre étude est qu'une nucléation efficace, couplée à la décompression lors de la remontée du magma et à une croissance et coalescence rapides des bulles, peut engendrer un dégazage extrêmement efficace dans le conduit. Le processus est renforcé lorsque la nucléation se produit préférentiellement à proximité de bulles préexistantes, comme le montrent nos expériences. Ce mécanisme explique l'observation contre-intuitive selon laquelle les magmas très visqueux et riches en volatils peuvent produire des éruptions effusives. Nos travaux suggèrent que la nucléation induite par cisaillement doit désormais être intégrée aux modèles de conduits volcaniques pour mieux prédire les dynamismes éruptifs.
 
Olivier Roche(1)*, Jean-Michel Andanson (2), Alain Dequidt (2), Christian Huber (3), Olivier Bachmann (4), David Pinel (2) 

1 Université Clermont Auvergne, CNRS, IRD, OPGC, Laboratoire Magmas et Volcans, Clermont-Ferrand, France. 
2 Université Clermont Auvergne, Clermont Auvergne INP, CNRS, ICCF, Clermont-Ferrand, France.
3 Department of Earth, Environmental, and Planetary Sciences, Brown University, Providence, RI, USA.
4 Department of Earth and Planetary Sciences, ETH Zurich, Zurich, Switzerland. 
* Corresponding author. Email: olivier.roche@ird.fr